Tsutomu Nihei - Inokawa Shintaro




On ne présente plus Tsutomu Nihei, devenu une référence dans le monde de la hard SF avec son Knights of Sidonia (qu'on se gardera de confondre avec un certain morceau de Muse) , dont l'adaptation animée cartonne à l'échelle internationale.

Architecte de formation et grand amateur de BD européenne (il cite Enki Bilal comme principal modèle), c'est dans le genre plus confidentiel du cyberpunk (à tendance gothique, excusez du peu) que l'artiste fait ses premières armes en proposant des mangas mutiques, sombres, organiques, où l'humain se dilue dans des immensités de bâtiments en ruines et de terminaux en veille. Au nombre de ceux-ci : Biomega, Abara, mais surtout Blame !, son premier gros succès, qui aura lancé sa carrière professionnelle en lui valant le prix spécial du jury du prestigieux concours Afternoon Four Seasons organisé par la Kodansha.


Et si son style graphique a évolué depuis, aspirant semble-t-il a plus d'académisme, difficile de ne pas trouver au regard de son Killy des faux airs à la Amano, dans la forme en amande des yeux comme dans leur expressivité nihiliste – mais surtout, difficile de ne pas lire Blame! comme une transposition de Tenshi no Tamago dans un contexte futuriste, notamment ce premier chapitre où le personnage principal escorte un jeune enfant (de sexe indéterminé) le long de couloirs à perte de vue et de bâtiments aux contours étranges, sans parvenir à le sauver au terme de leurs errances.

Avec la ville comme labyrinthe, des symboles religieux à peine dissimulés, des personnages aux motivations plus que troubles et surtout ce silence pesant, omniprésent, qui s'est emparé d'un monde en déliquescence, le parallèle entre les deux œuvres s'impose.

On suit les errances de Killy comme jadis celles du mystérieux jeune homme à l'arme en forme de croix : sans savoir si leurs pas les mèneront quelque part, s'il existe une issue, quelle est la véritable nature du monde qui les entoure, ce qu'il est advenu des êtres humains et quel sens donner à leurs actions - si elles en ont un.


A tel point que le réalisateur Inokawa Shintaro (The Soultaker, Samourai Champloo, …) aura joué la carte de l'hommage appuyé dans son BLAME! Ver. 0.11: salvaged disc by Cibo, première adaptation animée du manga (si l'on excepte deux courts clips en CGI sortis quelques années plus tôt pour promouvoir des figurines), sortie en 2003 et divisée en sept épisodes d'une durée de cinq à sept minutes.


Mis bout-à-bout, l'ensemble se révèle aussi abscons et déroutant que le chef d'œuvre dont il s'inspire (le premier épisode ne trompe pas), pour le plus grand bonheur de ceux qui affectionnent ce genre de casse-têtes intellectualisants. Temporalité déconstruite, expérimentations graphiques, cadrages déconcertants, scénario elliptique : rien ne manque, le résultat est à la hauteur de son illustre inspirateur, mais pas à la portée de tous les publics. 


Ce qui ne la rend que plus fascinante, témoignant de la marque indélébile laissée dans l'esprit du public par le film (pourtant boudé à sa sortie) du tandem Oshii-Amano.

Un visionnage (et une lecture!) chaudement recommandés.

On ne pourra malheureusement pas en dire autant du très sympathique, mais très hollywoodien long métrage de 2017.




Manga et artbook disponible en France aux éditions Glénat 


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