L'énigme Medusa - et autres peintures à l'huiles




Qu'on soit fan de la première heure ou nouvellement initié à l’œuvre de Yoshitaka Amano, dès le premier coup d’œil, on aura forcément reconnu ce superbe tableau réalisé en 1986 et intitulé Medusa.

Et pourtant !

Vos yeux vous jouent peut-être des tours.

Contre toute attente et quoi qu'en disent les apparences, tout porte à croire que ledit tableau n'est pas d'Amano lui-même, mais d'un imitateur particulièrement doué.

En effet, il n'est pas rare de voir apparaître ça et là, au hasard des sites d'enchères japonais, de mystérieuses peintures à l'huile reproduisant (avec une fidélité aléatoire) des tableaux du peintre datant de la fin des années 80. A commencer par la Medusa reproduite en tête d'article (et avouez que vous vous y êtes laissés prendre !).

A titre de comparaison, la véritable Medusa, la voici :


Et si vous n'avez pas le cœur de jouer aux sept erreurs, voici les trois différences principales qui mettent la puce à l'oreille :

- D'abord, le bijou qui pend de la mèche la plus à gauche (du point de vue du lecteur) n'est pas uniforme, mais découpé en plusieurs espaces de taille inégale et de couleur potentiellement différente. Or sur la reproduction, la sphère est d'une seule pièce.

- Ensuite, alors que le visage est parfaitement équilibré dans la version d'Amano, celui de la reproduction souffre d'une légère dissymétrie dans la façon dont les yeux sont positionnés par rapport à l'axe du nez.

- Enfin, et c'est la différence la plus notable, l’œuvre originelle a été exécutée à l’acrylique, et la reproduction à la peinture à l'huile, ce qui se traduit concrètement par des couleurs plus vives, un trait plus épais et une perte de finesse sensible au niveau des détails.

Pour autant, rendons à César ce qui lui appartient - presque : la reproduction en question est d'une qualité remarquable, tout comme celle de sa jumelle ci-dessous :


Ici, la breloque a été convenablement exécutée, la dissymétrie du visage est nettement moins prononcée, mais les yeux occupent beaucoup plus d'espace qu'ils ne devraient. Rien de préjudiciable en soi, mais la différence de qualité avec la toile d'origine reste manifeste.

Au nombre des autres œuvres ainsi reproduites, on compte également cette version (très correcte, mais sans plus) d'Icon Sorcer : Sarina in the Light (1989), toujours à la peinture à l'huile :





Même constat pour cette version (beaucoup moins réussie) de The Stare (1986), tirée du roman Guin Saga :




 Quant à cette version de Dawn (1987), elle est tout bonnement catastrophique :



Il semblerait que toutes ces reproductions proviennent de la même galerie d'art (le fameux Mitsukoshi Fine Art Department, une enseigne réputée pour avoir grandement contribué à populariser le monde de l'Art dans le Japon des premières années du XXème siècle) et qu'elles soient signées à la main d'un paraphe évoquant sans doute possible le nom de Yoshitaka Amano (celui-ci ayant possédé au fil des ans un nombre vertigineux de signatures professionnelles, il est ardu de se prononcer sur son authenticité).

Le nom de Maître figure d'ailleurs également au dos de façon manuscrite...  


...quand ce n'est pas directement sur le verso de la toile elle-même !


De quoi s'interroger, et pas qu'un peu...

Car ces toiles, alors, que sont-elles véritablement ?

Le mystère reste entier.

Ce que nous savons avec certitude, c'est qu'il s'agit de reproductions d’œuvres connues, mais que ce ne sont pas des lithographies. Chacune de ces copies est bel et bien une peinture originale, un exemplaire unique à part entière.

Ni les signatures, ni les dates qui les accompagnent ne sont assez lisibles pour ne pas prêter à confusion. On pense pouvoir lire 2007, mais sans aucune certitude.

Hormis ces données objectives, en l'état, nous ne pouvons que spéculer.

- S'agit-il de l’œuvre de faussaires plus ou moins talentueux ?

- Des artistes amateurs ont-ils produit ces toiles pour s'exercer ?

- Des peintres ont-il été officiellement mandatés par la galerie d'art pour réaliser ces copies initialement vendues comme telles ?

Si cette dernière hypothèse paraît être la plus probable, le mystère reste entier.

Toujours est-il que le dernier de ces tableaux a avoir été remis sur le marché s'est arraché pour la coquette somme de plus de 1000 euros, mais fut vendu sous le libellé troublant "auteur inconnu".

Que croire, dans ces conditions ?

S'il paraît évident que Yoshitaka Amano n'est pas l'auteur de ces reproductions, nul doute que la question restera longtemps sans réponse...

 A titre de complément, nous nous efforcerons ici de recenser les visuels de toutes les copies dont nous aurons connaissance, afin d'aider les acquéreurs potentiels à s'assurer de l'authenticité des oeuvres qu'ils convoitent.

 L'article sera donc mis à jour aussi souvent que nécessaire.





 

 



 

 

 




















 
  
 
 












 

 








Bonus : un faux autographe plutôt réussi.


Commentaires

  1. Très intéressant, et un mystère fascinant en effet. En tout cas, faussaire ou pas, le style du Maître prend une toute autre dimension avec la peinture à l'huile. Moins éthéré, mais plus organique.

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