Final Fantasy VI - doujins


Les amateurs de doujins (ces fanzines japonais qui mettent souvent en scène des personnages de mangas, animés, séries live ou jeux vidéo célèbres) le savent par expérience : l'offre est si vaste, si foisonnante, si chaotique qu'on y trouvera autant le meilleur que le pire, la part belle y étant faite aux hent les plus trash et les plus borderlines. Il faut dire que le milieu est beaucoup moins surveillé que celui de l'édition classique, et par conséquent beaucoup plus libre, affranchi des contraintes de la censure ou du droit d'auteur, ce qui pousse de nombreux auteurs reconnus à s'y adonner également en parallèle de leur carrière officielle (parmi des centaines d'autres, on citera Shirow Miwa, l'auteur de Dogs Bullet and Carnage et designer de 7th Dragon III Code, qui a livré de très belles prestations consacrées à Final Fantasy VII, VIII et IX, Shibamoto Thores, Ayami Kojima qui s'est essayée à Black Jack, Kaori Yuki - Angel Sanctuary - qui a dessiné du Final Fantasy, le studio Clamp, qui s'est attaqué à Shurato et les Samurai Troopers, ou Yun Koga - Loveless -, qui a détourné Saint Seiya et YuYu Hakusho version yaoi).

Or dans cette constellation de plusieurs milliers de nouveaux titres destinés chaque année au comiket ou à la vente par correspondance, force est de constater que Final Fantasy VI représente un cas d'école, en cela que l'ombre d'Amano pousse les auteurs à rivaliser d'inventivité et de talent pour tenter d'être digne de son héritage, à savoir : faire honneur à son style tout en conservant le leur propre.

Car si les autres épisodes de la saga inspirent des prestations honnêtes, mais somme toute très conventionnelles, l'opus VI aura vu (et voit toujours) défiler son lot d'artistes surdoués, dont nous vous présenterons ici succinctement les plus remarquables :

 


 

- Oju ( おじゅ ) :

 

A tout seigneur, tout honneur, le cercle Oju propose depuis plus de dix ans de courts mangas mettant en scène le passé de Tina, Celes et Kefka, qu'ils réinventent de fort élégante manière en approfondissant sans tabous les relations de ce trio hors norme : la lente dégringolade du mage dans la folie, l'amitié puis la rivalité entre ses deux "filles adoptives", l’ambiguïté de leurs rapports entre amour paternel et expérimentations douloureuses, les doutes du général Leo, la culpabilité de Cid... le propos prend certaines libertés avec le matériau originel, notamment en ce qui concerne l'affrontement final, mais il le fait avec intelligence et ajoute une vraie profondeur à un scénario qui n'en manquait pourtant déjà pas. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quant au style graphique proche de l'esquisse à main levée, il est éblouissant de noirceur et de légèreté, au diapason de la névrose des protagonistes, parvenant parfaitement à retranscrire l'intensité des regards chez Amano sans pour autant n'en livrer qu'une simple décalque. 

 

 

 

Un cercle d'auteur à découvrir absolument, à plus forte raison maintenant qu'une volumineuse quasi-intégrale des épisodes consacrés au passé de ce vénéneux trio est sortie récemment, format A5, sous l'intitulé Frail Trance. Laquelle complète avantageusement la précédente, consacrée exclusivement à la romance douce-amère entre Celes et Locke

On leur souhaite fort de finir par percer dans le milieu de l'édition traditionnelle car qu'ils soient ainsi cantonnés dans le seul registre du confidentiel représente une grande perte, tant pour eux que pour le lecteur...

 

 

Sublime triptyque d'illustrations couleurs format CD, incluant quelques travaux d'invités.

 

 

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- Sakizo ( 早紀蔵 ) :

 

Dans un registre plus léger et lumineux, Sakizo propose également depuis une dizaine d'année de magnifiques recueils format A4 d'illustrations couleur à l'aquarelle, aériennes, acidulées, mettant particulièrement en valeur les héroïnes (et quelques héros au passage) de cet épisode. 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques crayonnés, également, d'une finesse remarquable, et quelques (trop) courts mangas approfondissant les relations au sein du groupe de protagonistes (s'imaginant notamment une belle histoire d'amour impossible entre Tina et Setzer). 

 

 

 

Que ce soit en noir et blanc ou en couleur, ces dames s'y trouvent magnifiées, pourvues d'immenses yeux plein d'étoiles, vêtues de tenues à laquelle la dessinatrice apporte un soin tout particulier (celles-ci étant peu ou prou sa spécialité, l'intéressée n'appréciant rien plus que de dessiner des robes de princesses ou de mariées, ce qui lui a valu d'enfin se faire connaître de façon légitime par l'intermédiaire de plusieurs artbooks récents qui lui ont été consacrés). En parallèle, outre de nombreuses créations personnelles, l'artiste a également produit des illustrations relatives à Final Fantasy IV, Final Fantasy XV et Romancing Saga, qui lui valent une notoriété certaines parmi les amateurs à l'internationale.

 

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- RPDI – Nozomi ( ノゾミ ) :


Egalement sur la scène doujin depuis plus de dix ans, le cercle RPDI s'est également penché avec délectation sur les tourments psychologiques du personnage de Celes, qu'elle confronte à ses démons intérieurs et à son passé trouble, au fil de nombreux épisodes également réunis dans un volumineux recueil moyen format de 276 p. publié en 2009 et rassemblant les productions les plus marquantes du cercle dans ce registre.

 

 

 

 

 

 

 

Et si le style graphique en est nettement plus tâtonnant (avec toutefois de beaux progrès constatés sur le long terme), force est de constater qu'il a son propre "petit quelque chose" à lui, lequel illumine littéralement les quelques sublimes illustrations couleur de la dessinatrice, qu'on peut admirer dans des recueils collectifs indispensables tels que les deux Scene of Vecta (compilant des récits sur l'empire maléfique et le passé de Kefka), The Golden 5 (qui vous donne l'opportunité de monter votre propre diorama de l'opéra en carton, excusez du peu) Rouse ou encore Magnolia

 

 

 

 

Point fort indiscutables : des héroïnes aux silhouettes de sauterelles et aux traits hyper-stylisés, pour des récits noirs et sans concessions.  

 

 

 


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- Youshi ( ようし ) :

 

Un seul (trop) court et (trop) petit recueil à notre connaissance pour cet artiste peu prolifique ayant commencé aux côtés de Sakizo dans les recueils Square Fan Club, dans lequel il sera possible d'admirer quelques superbes peintures à la composition et à la réalisations sophistiquées.

 


 

 

 

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- Takako Yumenoma ( ゆめのま たかこ) : 

 

Artiste invitée sur plusieurs recueils d'illustrations (elle a notamment signé l'extraordinaire couverture de Magnolia), elle propose dans ce petit doujin une collection de ses plus belles peintures sur le thème de Final Fantasy, qu'il s'agisse d’œuvres très aboutis ou de doodles plus stylisés et expérimentés, mais tout aussi réussis ainsi qu'un début de manga très prometteur, tout en couleur, mettant en scène Tina. Seul bémol : on en veut plus. Beaucoup plus !

 



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- 130K ( ヒトサンマルケイ ) :


Un style racé et élégant, pour un recueil de "scribbles" monochromes une nouvelle fois beaucoup trop peu fourni, réunissant un ensemble des croquis (particulièrement aboutis) consacrés aux épisodes IV à VI. On regrettera d'autant plus que l'auteur ait abandonné ce registre pour explorer ultérieurement d'autres voies...




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- Shurei Koyu ( 珠黎皐夕 ) :

 

Connue en France pour son Alichino, dont les trois tomes ont été publié chez Panini en 2003, cette dessinatrice perfectionniste aura produit deux magnifiques doujins format A4 consacrés à Final Fantasy VI, à la croisée esthétique des genres entre le travail d'Oju et celui de Sakizo : très shojo dans l'esprit, au meilleur sens du terme, et à la fois très sombre et très fouillé, pour de courtes histoires tantôt humoristiques, tantôt sentimentales, partageant la même méticulosité graphique et le même respect du matériau scénaristique originel. 

 

 

 

 

 

 

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On pourrait en citer encore beaucoup d'autres, sans doute, tout aussi talentueux, dont les contributions émaillent les recueils collectifs cités plus haut, mais nous en oublierions nécessairement tant ils sont nombreux à s'être glissés dans les traces du maître pour ouvrir leur propre voie, dans leur prolongement mais sans y sacrifier leur individualité.

Évoquons néanmoins pour conclure les deux tomes de l'adaptation de Nanako Tomoe qui, si l'on n'y trouve pas l'empreinte d'Amano (le style graphique y est simple et standard, typique des années 90), ont le mérite d'avoir tenté d'adapter l'intégralité du jeu au format manga, un projet fou qui n'aura pas pu aller jusqu'à terme mais qui couvre néanmoins (de façon extrêmement fidèle, malgré quelques libertés ça et là) la totalité des événements de la scène d'introduction à la fin du combat contre le train fantôme. Autant dire, dans un autre genre : un must have pour les fans de cet épisode. 

 

 

 

Et si vous-mêmes, vous connaissez d'autres auteurs ou d'autres cercles qui mériteraient d'être mentionnés ici, n'hésitez pas à nous en faire part en commentaire, nous mènerons nos petites recherches et éditerons cet article en fonction.

Quant à ceux d'entre vous qui souhaiteraient acquérir certaines de ces pièces, ou d'autres, outre les sites d'enchères ou d'occasion japonais, ils pourront éventuellement trouver leur bonheur sur les sites suivants :

- Ebay.com (facile d'accès, mais des prix très très au-dessus de la moyenne - produits d'occasion).

- DoujinRepublic (site en anglais, large choix, des prix relativement élevés mais en-deça de ceux pratiqués sur Ebay - produits neufs)

- AliceBooth (site en japonais, choix relativement restreint, prix très peu élevés, possibilité de commander de la France sans passer par un proxy, mais en petites quantités - produits neufs).

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