Mercredi 30 octobre - Une journée au Lucca Comics & Games 2024 : Pop Up Store Amano, Press Animae to Play, Exhibition Preview
Partie 1.
Le Lucca Comics & Games
Équivalent Italien de notre Japan Expo, mais à plus grande échelle, le Lucca Comics & Games se distingue des autres événements geeks par son cadre inédit : plutôt que d'enfermer ses visiteurs dans de gigantesques bâtiments claustrophobiques, il se déroule à ciel ouvert, en plein cœur historique de la ville qui l'abrite. C'est ainsi que chaque année à la même période, la ville de Lucques accueille pendant cinq jours entre 30000 et 80000 personnes au quotidien, costumées ou non, qui se mêlent aux riverains entre les remparts de leur belle cité. Car la vie des riverains ne s'arrête pas pour autant le temps de la convention, évidemment : il reste possible de visiter l'endroit, ses lieux de cultes, ses musées, ses boutiques - dont certaines se sont mises au goût du jour en arborant sur leurs vitrines des dessins faits maison, des goodies trouvés dieu sait où, ou de la marchandise (de contrefaçon, souvent) commandée pour l'occasion. Nul besoin pour circuler de s'acquitter du droit d'entrée, lequel s'élève en 2024 à 26 euros la journée.
Matérialisé sous la forme d'un bracelet en papier à arborer de manière ostensible, celui-ci permettra néanmoins à son détenteur d'accéder aux indénombrables conférences, animations, dédicaces, expositions, pop up stores et stands éditeurs proposés quotidiennement. Car si certains espaces ciblés restent accessibles au tout venant (une belle initiative de la part des organisateurs), la plupart nécessiteront le port du précieux sésame. Un événement aux proportions gargantuesques, pour un contenu qui ne l'est pas moins, et qui a tôt fait de tourner la tête tant il y a de choses à voir, à vivre, à acheter, partout, tout le temps... Prévoir de bonnes chaussures et un stock de vitamines ! Pour peu que la météo s'y prête (comme c'était le cas en ce déjà trop lointain mercredi 30 octobre), l'expérience est incomparable, à l'instar des vieilles pierres qui lui servent de cadre sur mesure : malgré le monde, on profite, on respire... un pas de côté, et on quitte l'effervescence le temps de charger les accus. Et si l'on se lasse des events mangas, comics, films ou séries TV, sait-on jamais, il n'y a qu'un pas de plus à faire pour visiter tours, églises ou cathédrales.
Le meilleur des deux mondes, en somme.
Deux mondes qui se télescopent avec d'autant plus de bonheur que la pop culture investit les hauts lieux institutionnels, comme le Palais Ducal (écrin de luxe pour les expositions Amano et Humanoïdes Associés, entre autres), ou l'Eglise des Servites, qui abritait à quelque distance, de façon toute à fait paradoxale, l'incroyable exposition célébrant le 50e anniversaire de la licence Donjons & Dragons, les beholders et les dragons y côtoyant sans complexe les reliques et les icônes saintes. Pour un loisir qui eut jadis si mauvaise presse, l'ironie de ce grand écart n'en était que plus savoureuse.
Car si Amano est bien le parrain de cette nouvelle édition (l'omniprésence des bannières aux couleurs de son travail ne trompe pas),, on aurait tort de négliger les a côtés : on manquerait alors des originaux de Moebius, Gimenez, Margerin, Hugo Pratt, Alex Ross (à vendre ! - oui, mais il faut le budget), entre autres légendes du 9e Art, ainsi que plusieurs dizaines de toiles originales renvoyant aux origines du Jeu de Rôle sur table, dont les reproductions jadis auront abondamment nourri l'imaginaire des trente-quarante-cinquantenaires, et qu'on retrouve ici dans toute leur matérialité comme des amis de longue date depuis longtemps perdus de vue.
Celles et ceux qui auront pu pousser jusqu'à la Japan Town (sorte de Japan Expo miniature excentrée par rapport au reste de la manifestation, et qu'il faut gagner en navette gratuite ou rallier à pied, moyennant vingt minutes de marche) y auront admiré aussi l'exposition dédiée au mecha-designer Shoji Kawamori, lui aussi présent à guichet fermé. Car des invités prestigieux, le line up de la manifestation n'en manquait pas : Gou Tanabe (les adaptations de Lovecraft en manga), Atsushi Kamijo (To-Y, Next Stop/Sex, auteur génial injustement boudé en France, et dont les personnages écorchés vifs ont quelque chose de très "Amano" dans leurs regards et leur mélancolie), Lee Bermejo, Simon Bisley, les acteurs de Squid Game, Luke Gygax (fils de Gary, créateur dudit Donjons & Dragons), Cristina d'Avena (interprète des génériques phares des années 80-90, dont furent dérivés ceux de feu la 5 : Max et Compagnie, Embrasse-moi Lucille, Un But pour Rudy, Claire et Tipoune, etc...), notre Benjamin Lacombe national (venu pour présenter son Dorian Gray) et bien d'autres encore.
Alors bien sûr, la langue est une barrière : si l'anglais, voire le français, sont couramment parlés sur le territoire italien, la plupart des activités et conférences n'auront d'intérêt que pour le public italophone, de même que les publications des éditeurs locaux, dont on aurait tort de sous-estimer le catalogue. Car si du haut de notre trône de "deuxième pays du manga", nous avons tendance à considérer les autres pays avec condescendance, dans ce domaine, force est de constater que l'offre en Italie n'a pas grand chose à envier à la nôtre. Certes, elle n'en égale pas le volume, mais l'offre n'en demeure pas moins pléthorique, diversifiée et d'une indiscutable qualité (on aimerait voir certains de leurs titres débarquer dans l'hexagone), Go Nagai et Monkey Punch y restant les grands favoris. On notera également avec satisfaction une belle production en termes de global manga et d'auteurs auto-édités, portés par des graphismes maîtrisés et des pitchs efficaces.
Part belle était également faite aux pop up stores - particulièrement prisés des visiteurs, du fait de leur caractère éphémère. Et ce, quel que soit le domaine - Nintendo, Netflix, Miyazaki, ... les visiteurs qui n'ont pas le réflexe de s'y précipiter dès l'ouverture sont bons pour 45 minutes de queue (en moyenne) en période d'affluence basse. Les exclusivités, ça se mérite.
Partie 2.
Le Pop Up Store Amano
Installé sur la place Saint Michel, au pied de l'Eglise, le Pop Up Store dédié au Corpus Animae, la future exposition milanaise dédiée à Amano (laquelle a ouverte ses portes le 13 novembre et les fermera début mars) pose le cadre dès la file d'attente, dont les barrières affichent une partie des goodies en vente à l'intérieur. On y accède par groupes de cinq ou six, en fonction des sorties, de façon à éviter les bousculades dans cet espace forcément exigu, mais bourré de belles choses.
L'agitation qui règne à l'intérieur tend vite désorienter le novice, d'ailleurs, qui ne sait pas où donner de la tête tant il craint de manquer une pièce majeure pour sa collection. Ce ne sont en effet pas les belles choses qui manquent, on l'aura deviné, et si le choix est forcément restreint (c'est le principe du pop up store), les objets vendus sont à la fois diversifiés et de grande qualité, des plus conventionnels (lithographies signées, art print, catalogues d'exposition, tee-shirts, sweat-shirts, ...) aux plus inattendus (tapis pour jeux de carte, port folio hommage limité à 1000 exemplaires, avec des artworks inédits de Peach Momoko, Giuseppe Camuncoli, Carmine Di Giandomenico, Paolo Barbieri et Justine Jones - malheureusement dispo à partir du jeudi seulement -, set de dessin exclusif et... bubble tea. Si. Ne posez pas de questions).
Avec une particularité commune, bien sûr, et non des moindres : l'original de chaque artwork utilisé sera exposé à Milan deux semaines plus tard, avec une prédominance (guère surprenante) de Final Fantasy (aucun Vampire Hunter D à l'horizon, par contre, ce qui autrement plus étonnant). On aimerait tout acheter, ça tombe sous le sens, mais qui dit "qualité" dit tarifs en rapport, légèrement supérieurs aux prix pratiqués lors du crowdfunding (mais plus avantageux, puisque sans les frais de port - particulièrement onéreux). 60 euros le catalogue d'expo en hardcover (indispensable, mais nous lui consacrerons un article ultérieurement), 40 euros le tapis de jeu, 80 euros le sweat... c'est magnifique, c'est sûr, mais ça chiffre à toute allure.
Heureusement, pour faire passer la pilule, chaque achat donne droit à participer au tirage au sort permettant de remporter l'un des deux cent bons dédicaces mis en jeu pour les séances du jeudi et du vendredi (deux cent dédicaces en deux jours... à 72 ans, l'artiste a toujours la santé !) ou le badge collector de la manifestation (not for sale), agrémenté des papillons du Maître. Tirage au sort immédiat, sous forme d'une appli mobile, auquel peuvent également participer les gens ayant contribué au financement participatif. Autre avantage, pour plus de cent euros d'achats : un ticket physique exclusif pour l'exposition sus-mentionnée, valable n'importe quand. De quoi pousser à la dépense, même si dans les faits, il n'y a pas trop à se forcer, les euros partent tout seul. Et en retrouvant le ciel bleu à l'extérieur, on ne peut que pester sur tout ce qu'on a oublié de prendre dans la confusion du moment.
Qu'à cela ne tienne !
On aura une seconde chance à Milan, où la plupart de ces produits seront également disponibles dans la boutique du Corpus Animae.
Partie 3.
Press Animae to Play
Quoi de mieux pour se consoler que de mettre le cap vers le Palais Ducal, afin d'y visiter l'espace dédié au peintre, sans qu'il ne soit besoin de faire la queue ni de jouer des coudes, loin s'en faudrait. Espace qui préfigure en une vingtaine d’œuvres ce que sera Corpus Animae. Et alors "vingt", ça peut paraître peu, lu comme ça, sur le papier, mais lorsqu'on les a sous les yeux, chacune est un trésor et en vaut plusieurs dizaines d'autres.
Dans un environnement fastueux, après quelques volées de
marches couvertes d'un tapis rouge, on est happé d'emblée par ce
petit tunnel de tenture noire, bordée de deux reproductions
rétroéclairées longue de plusieurs mètres (dont on apprendra plus
tard que les originaux, visibles à Milan, étaient trop volumineux
pour être exposés à Lucques, ce qui ne peut qu'attiser d'ores et
déjà l'envie de les voir en vrai). Mais passé ce rideau, haaaa,
passé ce rideau ! L'expérience prend une autre dimension, alors
qu'on se retrouve nez-à-nez avec les originaux du triptyque inédit
réalisé pour la convention, en l'honneur du centenaire de Puccini :
Tosca, Madama Butterfly et Turandot.
Et tout de suite, ce qui frappe (ça, les amateurs d'Art le savent bien), c'est combien la perception d'une œuvre peut changer quand on découvre l'original. Au risque d'enfoncer des portes ouvertes : quelle que soit la qualité d'une reproduction, il manquera toujours quelque chose de l'ordre de la matière : texture du support, relief de la peinture, profondeur du trait de crayon. On aura beau connaître l'artwork par cœur sous sa forme en deux dimensions, on aura forcément l'impression de la redécouvrir comme au premier jour, émotions à l'appui, lorsqu'on s'y trouvera confronté "en vrai".
Difficile de ne pas être touché, ou ne serait-ce même que d'en croire ses yeux, lorsque le regard erre à droite et s'arrête sur les principaux visuels de Final Fantasy II et VI. On s'approche alors au plus près, on cherche à s'imprégner de chaque détail, chaque courbe, les frissons sont garantis, on sait d'ores et déjà qu'on n'a pas fait le déplacement pour rien, le cœur bat à tout rompre.
On prend alors une minute pour laisser un post it personnalisé sur le mur des remerciements, histoire de rassembler ses esprits, non loin d'une vidéo en boucle présentant le peintre au travail (déjà visible dans le pop up store). Après quoi on reporte notre attention sur l'aile gauche, avide de nouvelles merveilles. Et là encore, on ne sera pas déçu - comment pourrait-on l'être ?
Quelques celluloïds de l'ère Tatsunoko (du Time Bokan, du Judo Boy, du Hutch l'abeille, du Gatchaman, ...) y côtoient sans complexes du Candy Girls, du DC Comics, du Sandman, du Vogue, du Vampire Hunter D - et puis l'originale de Liliana, aussi, la fameuse carte Magic qui a fait chauffer les porte-monnaies il y a 5 ans, exposée ici à côté de sa précieuse version foil. Le tout, agrémenté de quelques comics et magazines vintage sous vitrines, issus de collections privées. Un rêve éveillé.
Les dimensions relativement retreintes de la salle s'en trouvent sublimées, à tel point qu'il faut bien une heure pour en apprécier le contenu comme il le mérite, sans qu'on parvienne toujours à réaliser ce qu'on vit/ce qu'on voit sur le moment. Une parenthèse intense et solennelle qui en dit long sur les sensations fortes réservées par l'exposition Corpus Animae, et ses quelques cent trente sept œuvres triées sur le volet - ou, plus proche de nous : la visite guidée par l'artiste, à laquelle nous aurons la chance de participer le soir-même.
Il n'est pas encore deux heures
de l'après-midi et l'angoisse monte déjà, avec l'excitation.
Partie 4.
Corpus Animae : Exhibition Preview
Ellipse, donc. Fondu au noir.
Une poignée d'heure plus tard, après moultes pérégrinations, nous revoilà au pied du Palais Ducal, le cœur battant, à quelques minutes du moment tant attendu : des heures, des semaines, des mois - toute une vie, même ! Rien moins qu'une rencontre avec Amano, programmée pour 19 heures, sans plus de précisions. Avec mille questions et angoisses qui se bousculent dans notre tête : y aura-t-il bien une traduction de l’événement ? Sera-t-on obligé de s'éclipser pour attraper le dernier train direction Florence, sachant que le lendemain l'avion décolle aux aurores ? A-t-on rallié le bon point de rendez-vous ? Sur ce dernier point, au moins, le doute est vite dissipé : certains sont venus avec toute leur collection Final Fantasy sur leur dos, ou pas loin, dans l'espoir que le Maître se fende d'une séance de dédicace improvisée (mention spéciale à ce fan venu avec une splendide réplique du casque de Casshan au 1/1e).
La nuit est tombée, les derniers visiteurs quittent les locaux. On trépigne quelques minutes, la tension monte, les fans italophones se lient d'amitié, l'ambiance est d'ores et déjà conviviale, on participerait volontiers si seulement on maîtrisait la langue au-delà de "Grazie", "Buena Sera" et "Coccolino". Nous sommes une petite vingtaine, en comptant les officiels et les caméras (qu'on oubliera pendant toute la visite), pour trente places initialement mises en vente lors du crowdfunding. De quoi se réjouir : l'ambiance n'en sera que plus intimiste.
Puis soudain, sans que rien ne l'annonce, il est là, dans la pièce, à moins de deux mètres de nous, en chair et en os - mais surtout : en présence, en charisme, il habite littéralement la salle dès son arrivée. Une question de taille, de maintien, de prestance, à quoi s'ajoute l'incrédulité du cerveau qui peine à réaliser ce qui lui arrive. Il reconnaît l'homme, bien sûr, mais pour lui, ce dernier n'était et ne serait jamais qu'une icône de papier, une fiction, un être en deux dimensions. Après trente ans d'adoration béate, il faut quelques secondes pour réaliser. C'est de bonne guerre.
L'artiste est accompagné d'Akiko, son agent, et de Fabio Viola, le curateur de l'exposition milanaise, tout feu tout flamme. Celui-ci commence par nous présenter collectivement au Maître et expliquer la raison de notre présence ce soir, puis la visite débute sous la houlette de ces deux guides prestigieux, par le coin Final Fantasy, à tout seigneur tout honneur. Nous sommes deux à bénéficier d'une interprète, qui nous traduit les interventions en anglais avec beaucoup de zèle et de bienveillance, ne peinant que sur quelques références confidentielles.
Le peintre évoque ensuite ses débuts à la Tatsunoko, son statut d’intervalliste sur Judo Boy, puis ses premières années en tant qu'artiste freelance - son premier roman illustré (français, cocorico), son travail de commande sur Chikyu Monogatari Telepath 2500, dont il garde de mauvais souvenirs car le projet "ne ( l')intéressait pas du tout" ("mais c'est le genre de travail qui entretient la motivation et l'inspiration par la frustration qu'elle engendre", répond-il à l'un d'entre nous. Car nous sommes invités à ne pas hésiter à poser nos questions pour tout ce qui touche à sa carrière et à l'exposition - mais la timidité l'emporte souvent sur la curiosité, d'autant qu'on reste dans le registre des généralités et que la plupart des informations communiquées sont d'ores et déjà connues des fans de longue date).
Le Maître insiste sur l'importance des regards de ses personnages, dévoile l'intention première qui a présidé à la réalisation du triptyque, sa volonté de faire le lien entre l'opéra italien et le takarazuka japonais autour d'une référence commune. Chemin faisant, je sympathise avec mon camarade de traduction, un américain très amical et expansif prénommé Carey, qui aura quant à lui la chance d'assister aux cinq jours de la manifestation, et de revenir encore le 13 novembre pour le vernissage de l'exposition, toujours en présence de l'artiste.
Au terme de ce tour d'horizon durant lequel nous buvons les paroles du peintre (le temps semble suspendu, et à la fois s'être accéléré au-delà du raisonnable), sans rien manquer des présentations exhaustives de Fabio Viola, on nous annonce que compte tenu de notre petit nombre, le Maître a accepté de signer un objet par personne, concluant ainsi cette heure en apothéose. Chacun l'espérait (plus ou moins) secrètement et avait apporté avec lui de quoi faire "au cas où", et doit maintenant choisir ce qui, entre tous, recevra la précieuse signature... chacun, sauf nous, qui n'avions dans notre sac que quelques vieilles pièces de collection au sujet desquelles nous souhaitions interroger l'artiste, si l'opportunité nous était donnée, ainsi qu'un vieux fan-art réalisé trente ans plus tôt (notre tout dernier dessin) et que nous nous étions promis de lui offrir si nous en avions un jour l'occasion - dans l'optique de partage qui nous est chère. Il nous a tant donné, sans le savoir, qu'on veut lui rendre un peu, dans la mesure de nos moyens. Tant pis si c'est naïf, tant pis si c'est moche, tant pis si ça finit à la poubelle : c'est l'intention qui compte.
Un dessin de Tina Branford très imparfait (encore est-ce une litote), dont le papier accuse son âge, et que nous nous sommes efforcé de mettre en valeur en y ajoutant un fond de caractères blancs sur noir, une touche de rouge au niveau des lèvres et du noyau de la magicite, et quelques pétales en papier découpé de part et d'autre. Le tout, accompagné au dos d'une courte nouvelle d'une page et demi en anglais (nous n'aurions su en écrire davantage avec notre piètre niveau) sur le thème de l'art et de la Peinture, écrite en août en son honneur et pour faire bonne mesure (nouvelle dont la première partie a servi pour le fond du recto). Plastifié, faute de pouvoir l'encadrer, afin de le rendre plus facile à transporter (ou à jeter discrètement dans une corbeille, au besoin). Lorsque vient notre tour, dans un état second, nous tendons le honteux gribouillage à Akiko et tentons laborieusement de lui expliquer le pourquoi du comment, sans trop savoir si elle comprend l'anglais et si nous-mêmes nous le parlons convenablement (rien n'est moins sûr).
A ce stade d'émotion, on se sent comme avec quatre ou cinq verres dans le nez : tout tourne, tout se bouscule, se télescope, on est là mais pas là, dans et hors de son corps, on s'écoute dire des choses sans pouvoir s'en rappeler ensuite ni savoir si elles ont un sens, ça nous arrive à nous et pourtant ça arrive à quelqu'un d'autre, ça dure éternellement et pourtant c'est déjà fini. Je confie également à cette même Akiko la seule pièce dans mon sac qui mérite une signature, le fameux Book of Ultema de Final Fantasy II, pièce rarissime que nous avons eu la chance de pouvoir acquérir presque par accident, et qui y gagnera encore en prestige.
Tout s'accélère encore : Akiko tend notre fan-art au Maître et lui rapporte en japonais ce qu'elle a pu comprendre de nos baragouinages, celui-ci se fend d'un sourire poli, l'attention semble le toucher mais comment cela se pourrait-il ? Ce serait comme rencontrer Mozart et lui jouer au clair de la lune à la flûte à bec. A notre grande surprise, il se saisit alors du Book of Ultema et en plus de sa signature, il boucle la boucle en réalisant un rapide "fanart" du fanart, tandis que nous nous régalons sans retenue du surréalisme de la scène à laquelle nous assistons : Amano, penché sur notre dessin, occupé à le reproduire à sa manière. L'instant est solennel.
On en oublierait presque de respirer. Après quoi nous nous confondons en remerciements, sur un nuage, puis prenons congé à contrecœur pour laisser Carey prendre la suite. Nous réalisons alors que dans la confusion de l'échange, le maître a signé en fin d'ouvrage, ce qui n'aurait pas été un problème (le Book of Ultema se présente sous forme de classeur, et bien qu'il ne soit plus tout jeune, nous avons pu sans peine basculer la feuille au début) si le support n'avait pas été ligné, contrairement à la première page. Tant pis, il faudra en prendre son parti, et y voir moins un défaut qu'un gage d'authenticité - surtout : une part indissociable de l'histoire de cette dédicace.
Il est 20h passé, le Maître prend ensuite congé aussi discrètement qu'il est arrivé, et nous sommes attendus à quelques rues de là pour un apéro dînatoire entre fans, auquel nous fausserons compagnie avec un petit pincement, faute de comprendre nos camarades et pressés que nous sommes par les horaires des transports en commun (lesquels nous ramèneront à notre hôtel avec plus d'une heure de retard, ce qui ne nous a pas beaucoup dépaysé, pour le coup).
Tout vient à peine d'avoir lieu, tout paraît déjà si loin. Le spleen et la fatigue s'installent quand l'adrénaline redescend.
La suite, ce sera à Milan. Pour nous, vraisemblablement en février (si tard ?!).
Pour d'autres plus chanceux, dès le 13 novembre.
Mais si notre aventure au Lucca Comics & Games s'achève sur cette touche nostalgique, celle d'Amano se poursuivra les jours suivants avec deux séances de dédicaces, jeudi et vendredi, à destination des deux cent chanceux ayant remporté le tirage au sort du pop up store, ainsi qu'un event dédié aux fans et une séance de live painting - suivie d'enchères au profit d’œuvres caritatives, dont nous apprendrons plus tard qu'elles furent remportées par notre camarade Carey - encore lui !
Et si notre jalousie fut nécessairement à son comble (bien que nous nous réjouissions pour lui), dans un élan de déni narcissique aussi embarrassant qu'inévitable, nous n'aurons pas manqué de nous demander dans quelle mesure le fond noir de l’œuvre, les artefacts colorés de part et d'autres, et surtout les lèvres en rouge sur fond blanc, n'étaient pas un clin d’œil à notre propre "travail". Sans doute que non, évidemment, ne soyons pas si prétentieux. Mais dans le doute, optons par l'hypothèse la plus magique, toute improbable qu'elle soit, pour clore cette fantaisie italienne la tête dans les étoiles.
Partie Bonus.
Quelques conseils aux voyageurs...
Terminons la visite par quelques conseils à l'attention de celles et ceux qui souhaiteraient découvrir le Lucca Comics & Games lors d'une prochaine session (il n'est pas exclu qu'Amano ne revienne pas y faire un tour, dans la mesure où il y était déjà présent en 2022) :
- Prévoir de bonnes chaussures avec des semelles épaisses, car il faudra beaucoup marcher et sur un sol relativement irrégulier. A titre d'exemple, nous aurons avalé plus de 20 kilomètres en une journée. Si vous prévoyez d'assister aux cinq jours, on vous laisse faire le calcul.
- Surveiller la météo et s'habiller en conséquence. Gare au vent et aux intempéries potentielles si vous êtes cosplayers.
- Prendre vos places sur le site début septembre - ne serait-ce que pour être sûr d'en avoir une (certaines journées sont prises d'assaut) et ne pas trop perdre de temps à l'arrivée.
- Si vous souhaitez visiter la Japan Town ou accéder à un pop up store, en faire votre première priorité et vous y précipiter dès votre arrivée, afin de réduire le temps d'attente (certains internautes parlent de six heures de queue en période haute) et de ne pas trop y être bousculé.
- Télécharger le plus tôt possible l'application de l’événement et activer ses notifications, pour être informé de l'actualité des événements en temps réel.
- Récupérer une carte papier de l’événement une fois les remparts franchis, afin de pouvoir mieux se repérer. Compte tenu de l'échelle de la manifestation, l'écran des smartphones est un peu petit pour un repérage efficient.
- Se ménager des pauses pour être sûr de tenir dans la durée.
- Établir son "plan de bataille" en amont en listant les artistes, animations et boutiques que vous souhaitez voir, car sur place vous serez vite happés par l'excitation ambiante.
- Surveiller en amont le site de l’événement : certaines rencontres avec des artistes et certaines conférences ne sont accessibles que sur réservation via un site dédié, et celle-ci sont sold out en quelques secondes à peine.
- Choisir vos jours en fonction de la présence des artistes qui vous intéressent, et si possible sur un minimum de trois jours - il faudra bien ça pour en repartir sans avoir l'impression de manquer quelque chose.
- Enfin, d'écarter par moment de la cohue pour visiter quelques monuments historiques. Lucca a beau être une ville de superficie moyenne, sans comparaison avec Rome, Florence ou Milan, elle regorge de monuments et de belles choses à voir, sur lesquelles il serait dommage de faire l'impasse.
La preuve.
(crédits photos : l'Encre et la Plume ; Snake_in_a_box)
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