Hero - Party of One



Fort du succès de The Dream Hunters, nouvelle de Neil Gaiman qu'il a illustré pour l'éditeur DC Vertigo, puis du cross-over Wolverine/Elektra sur lequel il a travaillé aux côtés du scénariste Greg Rucka, Amano décide en 2006 de s'associer à l'essayiste Jessie Horsting pour donner corps à une intrigue originale qu'il mûrit depuis plusieurs dizaines d'années et qui a jadis nourri son Mateki : une histoire d'amour éternelle transcendant l'espace, le temps, et les mille et unes dimensions de l'imagination humaine.

Né de l'intérêt d'un galeriste pour quelques illustrations réalisées sans but précis, "pour le plaisir", le projet est dévoilé en grandes pompes du 6 au 31 octobre 1999 lors d'une somptueuse exposition multimédia organisée à l'Angel Orensanz Foundation de New-York.


Pendant près d'un mois, s'y côtoieront tableaux inédits, anciennes toiles, projections sur écran géant (1001 Nights, notamment), sculptures, poteries, faïences et même installation à base de kimonos, dont on peut admirer le détail "en immersion" par VHS promotionnelle interposée : estampillée Art Vivant et initialement destinée à être la première d'une longue série, celle-ci convie le spectateur à une petite promenade d'un quart d'heure entre ces allées qu'on jurerait toutes droits sorties de l’œuvre elle-mêmes tant elles paraissent d'un autre monde (le tout, entrecoupées d'extraits d'une interview du peintre).

A cette occasion est également édité un petit flip-book permettant d'admirer le protagoniste, chevauchant sa mystérieuse monture noir de jais, tous deux animés d'une simple pression du pouce.

De quoi entretenir le rêve autant que les attentes d'un public séduit.

 

Le public japonais n'est pas pour autant laissé de côté puisque le artbook Biten paraît le 30 octobre 1999 (soit la veille du terme de l'exposition), préfacé par Neil Gaiman et dédié au projet Hero, auquel sont consacrées près d'une vingtaine de pages (couverture comprise).

Dix mille ans dans l'avenir, révèle l'artiste dans un texte en anglais, deux âmes-soeurs se retrouvent fugitivement lors d'un carnaval New-Yorkais : toutes deux se sont follement aimées dans une vie antérieure mais n'en conservent aucun souvenir, juste une attirance profonde et inexplicable qui les pousse inexorablement l'une vers l'autre. Mais voilà que déjà, une faille dimensionnelle les sépare à nouveau. Incapable d'accepter cette perte, le protagoniste se lance alors dans un long et périlleux voyage à travers l'univers, armé d'une lance et accompagné d'un mystérieux cyborg en forme de panthère, prêt à affronter des empires et triompher de labyrinthes où les lois de la physique n'ont plus cours.


Contre toute attente, il faudra attendre plusieurs années avant que le projet ne se concrétise, sous une forme moins onirique et japonisante qu'initialement envisagée.

D'abord annoncé en 2005 chez Speakeasy Comics, puis repoussé jusqu'en avril 2006 avant d'être annulé en mai (du fait des difficultés de la maison d'édition canadienne), c'est finalement chez Boom! Studios que le premier tome voit le jour en octobre et décline ses 96 pages en édition couverture souple (à droite) et couverture cartonnée (à gauche), en tête desquelles sont reproduites la préface que Neil Gaiman avait écrite pour Biten en 1999.

Le lecteur y suit le parcours initiatique du jeune Hero (diminutif de Hieronimus, excusez du peu), célébrité de la scène underground qui se retrouve bien malgré lui au centre d'un conflit qui le dépasse et manque de lui coûter la vie.

Invité d'honneur d'une fête clandestine à l'atmosphère décadente, il suit les traces d'une mystérieuse jeune femme dont la beauté le subjugue, et qui le mène jusqu'à la statue d'une panthère dont le flanc est percé d'une lance.

Alors qu'il ôte cette dernière sur une impulsion, la fête tourne au chaos quand des soldats en armures font irruption dans la grande salle et massacrent les invités un à un.

Avec l'aide inespérée de la panthère (qui se révèle être un cyborg télépathe), Hero parvient à fuir in extremis en empruntant une issue qui n'existe pas - tout ça pour découvrir que c'est sa réalité toute entière qui se craquelle et que le monde qu'il croyait connaître n'est plus qu'un souvenir.

Le voilà désormais "ailleurs", un ailleurs qui ressemble comme deux gouttes d'eau au monde qu'il a quitté, mais dont certains détails sonnent faux et où il est une proie facile. 

Pourchassé jusque dans son appartement, il n'a pas d'autre choix que de se lancer dans un long périple à travers les dimensions, à la recherche de sa terre d'origine et de celle qui occupe dorénavant toutes ses pensées.

Mis en mots par Horsting, le récit d'Amano est noir, violent, nihiliste - et même gore, par moments -, écartelé entre l'étrangeté intrinsèque de ses rebondissements, l'atmosphère surréelle qui plane à l'arrière-plan et l'aura malsaine qu'elle dégage (et ce ne sont pas les œuvres du peintre - principalement des lavis - qui viendront ajouter une touche de gaieté à l'ensemble, bien au contraire).


En complément, un recueil intitulé Hero Gallery est publié en 2007 sous forme de fascicule de 22 pages, réunissant toutes les illustrations n'ayant pas trouvé leur place dans ce premier tome.

Une fois de plus, deux versions en sont proposées : l'édition standard et l'édition collector, limitée à 500 exemplaires (seule la couverture varie néanmoins).


Hélas, en dépit de la popularité du peintre dans les pays de langue anglophone, le succès ne sera pas au rendez-vous, sans doute en grande partie à cause de l'absence au casting de (super-)héros emblématiques connus du grand public (à l'instar du Sandman pour Dream Hunters ou du tandem Elektra/Wolverine pour The Redeemer).

Un tome 2 est bien annoncé par l'éditeur mais il ne voit jamais le jour. Seul son pitch en est révélé sur les sites de ventes par correspondance :


Dans ce deuxième volume, Hero est transporté à Paris, où une mystérieuse fillette lui vole sa lance (métamorphosée en bâton de marche).

Pour retrouver l'une et l'autre, le jeune homme va devoir s'aventurer sur le territoire des défunts et se confronter aux résidents d'un ancien cimetière.


Guidé par Victor Noir, un écrivain condamné dans la mort à ne dire que la vérité, Hero retrouve la trace de la jeune femme dont il s'est épris mais doit fuir lorsqu'une créature surnaturelle le prend en chasse.   

Grâce à l'intervention de Cyborg et au soutien de Victor, il poursuit son chemin à travers les catacombes parisiennes, en quête d'une arche mystique qui pourrait être leur seule planche de salut.  

Nous n'en saurons hélas pas plus, car la piste d'Hero s'arrête là. Sous cette forme, du moins.

Car si nous ne saurons jamais ce qui l'attendait au bout du voyage, ses pérégrinations serviront de brouillon à un autre futur grand projet narratif du peintre : Deva Zan (dont la concrétisation sera hélas tout aussi mouvementée). 
 

Non content d'y retrouver les grandes lignes de la trame, la poursuite d'une femme aimée de longue date, un New-York surréel, le cyborg en forme de panthère (sans doute une réminiscence du Friender de Casshern, chien robot designé par l'artiste du temps de la Tatsunoko), le lecteur s'y trouve entraîné de monde en monde par un tourbillon de combats et de péripéties dont l'imaginaire est la seule limite.

A tel point qu'on peut presque considérer Mateki, Hero et Deva Zan comme les multiples incarnations d'un même projet, toujours semblable mais constamment réinventé, à l'image de ce protagoniste eaux mille visages...


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Version anglaise
96 pages 
Format : 25.6 x 16.6 x 0.8 cm
Editions Boom! Studio (US)
Sortie le 15 octobre 2006 (US)
 

 

 

Bonus :

Flyer promotionnel d'époque.





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