L'Oeuf de l'Ange - Tenshi no Tamago - 天使のたまご


Décembre 1985. 

 

Second rendez-vous manqué pour le duo Amano-Oshii, mais pas pour tout le monde car si le Japon a boudé à sa sortie ce moyen-métrage d'animation catégorie art-et-essai, il a depuis acquis à l'internationale le statut d'oeuvre culte - dès 1995 en France, où il fut diffusé dans le cadre de la Biennale d'Orléans et remporta un franc succès d'estime.


Alors que le génial tandem est débarqué manu militari du projet Lupin the IIIrd, au profit de Seijun Suzuki et Shingetsugu Yoshida, il met cet échec à profit pour poursuivre cette collaboration en indépendant, libéré de toute contrainte éditoriale et libre de se livrer à toutes les expérimentations qui passeront par la tête des deux compères. Ils ne se feront pas prier. 


En résulte ce qui constitue sans conteste l'un des plus grands chefs d’œuvre de l'animation japonaise sur celluloïd, lequel n'a à ce jour pas pris une ride. Reprenant à son compte le concept initialement prévu pour le film sus-mentionné (le fossile d'une créature qui pourrait être un ange), le récit s'articule autour des errances d'une fillette livrée à elle-même dans les méandres d'une énigmatique cité en ruine, et sa rencontre avec un mystérieux soldat, obnubilé par l’œuf géant qu'elle protège sous sa robe. 

 

 

Enchaînant les instants contemplatifs étirés jusqu'à la fin du monde et les parenthèses mystiques riches d'interprétations multiples, cette promenade surréaliste permet aux deux artistes de donner le meilleur d'eux-mêmes, ainsi qu'en témoignent les nombreux artbooks qui lui sont consacrés : alors que de longs cheveux filiformes s'animent au moindre coup de vent, et que les personnages quasi-mutiques n'en paraissent que plus expressifs, qu'ils soient candide (elle) ou taciturne (lui), Oshii signe un story-board d'une rare élégance, alignant des plans à la photographie aussi variée qu'impeccable, préfigurant les séquences introspectives des Patlabor et des Ghost in the Shell. Le tout, magnifié par les décors anxiogènes de Shichirô Kobayashi (à qui l'on doit aussi ceux de Venus Wars, Urusei Yatsura Beautiful Dreamer, Utena la Fillette Révolutionnaire, ...), et le soundtrack aussi stellaire qu'oppressant de Yoshihiro Kanno (musicien de formation classique, n'ayant composé qu'à deux reprises pour des films d'animation).



 


Un direct-to-video (O.V.A., au japon) exigeant et sans concession, dont le rythme lent (ces 71 minutes paraissent des heures) et l'absence quasi-totale de dialogues sont loin de faire l'unanimité (le réalisateur affirme avoir été mis sur la touche pendant des années suite à cet échec), mais qui n'a pas manqué de trouver son public avec le temps, inspirant nombre de créations ultérieures, dont le (très confidentiel) Blame! ver. 0.11 : salvaged disc by Cibo  de Inokawa Shintaro, le Re:Cyborg 009 (injustement décrié) de Kenji Kamiyama, ou encore les jeux vidéo Dark Souls III et Bloodborne, d'Hidetaka Miyazaki. Une consécration tardive d'autant plus regrettable que, si les celluloïds, layouts et lithographies s'arrachent désormais à prix d'or, rares furent les goodies promotionnels sortis à l'époque : un (très joli) calendrier petit format, quelques posters promo, des index cards pour cassettes audio, un set de cartes postales et un pendentif en métal, vraisemblablement offerts avec certains magazines spécialisés.  

 

 

Non content de matérialiser la rencontre entre deux génies à l'imaginaire marginal, Tenshi no Tamago offre aujourd'hui encore le plus bel exemple (au sens visuel comme artistique) de ce qu'il advient du trait "Amano" lorsqu'il prend vie (avec le 1001 Nights de Mike Smith).


 

On sera d'autant plus surpris d'apprendre qu'en dépit d'une réputation solide et d'une qualité formelle indéniable, il n'a jamais fait l'objet d'une sortie DVD/Bluray hors du Japon. Tout au plus le public américain a-t-il pu en découvrir des extraits, épars, décontextualisés, intégré au film SF post-apocalyptique In The Aftermath, de l'australien Cal Colpaert, autour desquels celui-ci a été construit (laissant au jeune public d'alors quelques souvenirs impérissables).


Un oubli d'autant moins compréhensible que, comme nous l’annoncions en préambule, une version sous-titrée français a existé un temps. Et si chaque année passée depuis lors a vu les espoirs des amateurs se réduire d'autant (il fut annoncé brièvement chez Manga Video, sans que l'éditeur ne donne suite ultérieurement - ce qui n'est pas nécessairement un mal, compte tenu de sa réputation), il paraît impensable que le "deuxième pays consommateur de mangas au monde" n'y vienne pas tôt ou tard. 

 N'est-ce pas ?

 



 

 

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 Bonus 1 :

 Layouts et Celluloïds








 Bonus 2 :

Galerie de goodies 

 


Le pendentif, vraisemblablement offert par le magazine Animage 

Le calendrier, décorés de layouts préparatoires

L'un des trois modèles d'index card que nous avons répertorié

 Un poster promotionnel format A2

 

Enfin, last but not least : une dédicace originale de Mamoru Oshii : 


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